Exposition Michel Bez « Emblemata Sacra »
Du 26 septembre au 14 novembre 2015
Prolongation jusqu’au 5 décembre 2015
L’exposition Michel Bez « Emblemata Sacra » met à l’honneur celui qui a longtemps été regardé comme l’un des quarante Peintres officiels de la marine. Il a d’ailleurs présidé cette prestigieuse confrérie de 2002 à 2015. À ce titre, il a participé à de très nombreuses expositions, tant en France qu’à l’étranger. Mais on ne peut taire qu’à partir de 2010, dénonçant l’idée d’une peinture finalement jugée « trop commerciale », cet artiste profondément cultivé s’est appliqué à signer une œuvre à l’exigence nouvelle. Ainsi naquirent des ex-voto, des anges, des Vierges, des saints, des christs parfois écorchés, mais toujours cœur battant. Pour tout dire, des tableaux d’une beauté bouleversante, patiemment exécutés au petit pinceau… Comme eût travaillé le chirurgien de l’âme qu’il voulait être.
Œuvres exposées
Michel Bez
Un grand peintre
Que faut-il pour faire un grand peintre ? Nous le savons depuis les anciens : un panneau ou une toile, un pinceau, un crayon, des couleurs, une main sûre, un esprit. Portrait fort simple, en somme, dans lequel des maîtres et petits maîtres, de tout temps, se sont reconnus. Michel Bez s’y reconnaîtra-t-il, lui aussi ? Eu égard à la discrétion du personnage, nous répondrons sans attendre : oui, Michel Bez est un peintre. Un grand peintre.
Son parcours, d’abord, parle pour lui : il a exposé sur les cinq continents. Il est l’un des créateurs de timbres-poste les plus réclamés aujourd’hui. Il a donné de nombreux ouvrages, dont L’Ardent combat, un livre puissamment philosophique préfacé par Elie Wiesel, le Prix Nobel de la Paix. La postface, également, mérite d’être relue : « L’œuvre picturale de Michel Bez nous a saisis dès le premier instant par sa profondeur. Cet artiste sait exprimer quelque chose du Vrai par la représentation du Beau », y témoigne Albert Kfouri. Sera-t-il nécessaire, après cela, d’ajouter que Michel Bez appartient au prestigieux corps des Peintres officiels de la Marine — il en est même, désormais, le président d’honneur…
Pourtant, quel rapport entre les bateaux qu’il a, des années durant, passionnément dessinés et l’artiste qu’il est devenu ? Question inévitable, parce que dans cette vie commencée en 1951, et dans ce qu’il est louable d’appeler une « carrière », l’exposition que nous présentons au Centre Cristel Éditeur d’Art, cette exposition « Emblemata Sacra » marque et marquera, pour les historiens de l’art, un formidable tournant. « Un changement de cap », diront les marins — ou, plus intelligiblement, une autre naissance, une incarnation, une affirmation, un accomplissement. « Heureux qui, comme Michel Bez, a fait un beau voyage… ». À son retour, dessillé, apaisé, pleinement, il était peintre.
Répétons-le : un grand peintre. Un esprit large, libre, du reste docteur en droit, qui enseigna jadis l’optique plastique, le dessin et l’analyse de l’image. Et puis, ab incunabulis (depuis le berceau), un technicien hors de pair dont chaque geste traduit la science et la maîtrise… Que l’on se souvienne, en l’espèce, de ses toiles accrochées à Sète, en 2009, sous le titre « Esprits de corps » : le meilleur d’une nouvelle Figuration narrative. Des muscles tendus comme chez Ernest Pignon-Ernest. Des meutes hurlantes comme chez Henri Cueco. Mais des nudités, des transparences, des veloutés, des abandons qui n’appartiennent qu’à lui et classent ce peintre parmi les plus sensuels du moment. Est-ce un hasard si l’homme qui a tant observé les vagues s’est révélé un parfait chantre de la peau ?
Et est-ce un hasard si ce charnel, poussant davantage, a troqué son pinceau contre un inépuisable scalpel, puis qu’il l’a glissé dans les chairs, jusqu’au revers de la peau ? Car c’est l’aventure que propose cette fascinante série des « Emblemata Sacra » : non plus le murmure des caresses, mais le cri des entrailles ! Non plus la réalisation du désir, mais son indicible mécanique. D’où cet Adam et cette Eva subtilement écorchés qu’il engendre dans un décor baroque de fruits, de fleurs, d’animaux, d’or, d’argent, d’ex-voto. Un décor dans lequel chacun constate que le cœur, suprême viscère, et Cor Christi, trône en majesté. Amor vincit omnia. L’amour est toujours vainqueur. Tel Ulysse, Michel Bez ne l’a pas oublié.
Christophe Penot
Éditeur d’art