Exposition Peter Klasen. Escale à Saint-Malo
Du 25 juin au 24 septembre 2016
Pour la première fois, l’artiste allemand Peter Klasen s’arrête donc à Saint-Malo, au Centre Cristel Éditeur d’Art. Avec des propositions techniques nouvelles pour dénoncer, encore et toujours, le totalitarisme mécanique de notre société.
Œuvres de l’exposition Peter Klasen
Peter Klasen
un maître aux aguets
Démiurge ou magicien ? Démiurge certainement puisqu’il a créé un monde immédiatement identifiable. Mais aussi magicien, car Peter Klasen, artiste né à Lübeck en 1935, puis formé à l’école des Beaux-Arts de Berlin, raconte une sorte d’invisible : la solitude, l’angoisse… On sait comment Georg Baselitz, son condisciple des années étudiantes, a réglé cette même inquiétude : en représentant ses sujets le corps renversé, la tête en bas, preuves d’une humanité marchant sur la tête ! Pour sa part, Peter Klasen a privilégié une autre voie, une autre arme, infiniment subtile : l’effacement… Longtemps, en effet, ses tableaux les plus célèbres ont donné l’impression que l’homme, être de sang et de chair, avait radicalement disparu derrière la force brutale du modernisme, du gigantisme et d’un progrès totalitaire. Ne restait alors, et ne reste toujours, peint ou collé sur la toile, qu’un ensemble de signes. Suivant les époques, des grilles, des chaînes, des bâches, des verrous, des tôles, des cadenas, puis la série des manettes, des pictogrammes et des panneaux signalétiques sans cesse mis en scène. C’est peu dire que Klasen, aujourd’hui accroché sur tous les continents, dans quatre-vingts musées, incarne cette voix qui a crié « Stop ! », ou « Attention, danger ! » Depuis soixante ans, il est aux aguets.
Une authentique vigilance, tirée des tréfonds de sa mémoire… N’a-t-il pas vu sa ville natale brûler sous les bombes ? Puis son père emporté à jamais dans l’insoupçonnable des horreurs de la guerre ? D’où cette méfiance envers l’univers des adultes, d’abord capables du pire ! Pour s’en défaire, ou pour « sublimer l’hostilité extérieure » selon ses mots, il a donc choisi de jeter l’homme devant ses propres mythes, sinon ses propres forfaits — oui, d’oeuvre en oeuvre, par les symboles, les contrastes et les couleurs, magie d’un maître qui nous annonce qu’il existe autant de craintes que d’espérances dans la sourde étreinte des friches industrielles. Et « c’est là que la peinture de Peter Klasen atteint au plus haut niveau de conscience des enjeux du siècle finissant », devait prévenir Jean-Luc Chalumeau dans l’Histoire critique de l’art contemporain en 1994. Parce que ce créateur, expliquait-il encore, en était arrivé là : « dans le champ spécifique d’une peinture qui a fait considérer Klasen comme le chef de file du courant réaliste européen. »
Christophe Penot
Éditeur d’art