Exposition Franco Salas Borquez. L’outre-vague
Du 31 juillet au 4 décembre 2021
Il est arrivé du Chili, où il a vu le jour en 1979, avec l’idée que Paris restait la « ville lumière ». Puis il a fait carrière, accrochant ses tableaux au Musée naval de Madrid, au Musée de Punta Arenas, au Yacht Club de France, au Musée de la citadelle de Saint-Tropez et dans de prestigieuses collections, des deux côtés de l’Atlantique. Aujourd’hui, Franco Salas Borquez incarne le premier des peintres de la mer. Des vagues serrées, fascinantes, inimitables… Deux ans après son triomphe à la chapelle Saint-Sauveur, il s’installe au Centre Cristel éditeur d’Art avec vingt œuvres retentissantes. Des petits et grands formats qui racontent la mer comme jamais.
Œuvres de l’exposition Franco Salas Borquez
Franco Salas Borquez
La mer en vérité
Il peint la mer comme on danse, comme on chante, comme on rit ou comme on respire. Une sorte de seconde nature, incontestablement liée à ses origines. Franco Salas Borquez n’a-t-il pas vu le jour en 1979, sur l’île de Chiloé ? Une île presque aussi vaste que la Corse, mais jetée le long des côtes chiliennes, dans une région ouvrant sur les tempêtes australes. Un autre natif de Chiloé, le romancier Francisco Coloane, a conté cette extrémité du monde : sous le soleil, « une mer verte, fleurie de vagues régulières ». Puis une mer que les vents d’un coup soulèvent et transforment jusqu’à la laisser, toujours selon Coloane, pareille à « un immense champ retourné ». Instants saisissants, terribles, quelquefois apocalyptiques ! Tous les auteurs océaniques, de Homère à Conrad, l’ont immanquablement exprimé : la fulgurance des éléments. La puissance incomparable de l’eau. Le hurlement métallique de l’écume argentée. L’aile froide d’une confrontation menaçante. C’est le cri de Victor Hugo : « Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ? » Parce que cette inexorable force, cet authentique mystère, évidemment, se mesure à hauteur d’homme. Un inavouable effroi… Une éternelle fascination… Et puis, encore une fois, l’ensorcelante morsure de l’énigme… Comment rendre la mer ? Comment dire ce corps titanesque, insondable et liquide, qui recouvre soixante-dix pour cent de la surface terrestre ?
Travail d’écrivains, sans doute. Mais également travail de peintres depuis l’Antiquité grecque. À quel moment Franco Salas Borquez, artiste chilien aujourd’hui présenté au Centre Cristel Éditeur d’Art à Saint-Malo, par ailleurs exposé au Musée naval de Madrid, au Musée naval de Punta Arenas, au Yacht Club de France, au Musée de la citadelle de Saint-Tropez, à quel moment a-t-il compris que son œuvre s’incarnerait en un continuel tête-à-tête avec le Pacifique, la Manche et l’Atlantique ? Poser la question, c’est revenir à l’enfant, et l’imaginer sur le bateau de son père, marin et armateur, lui-même né d’un preux capitaine. Sans compter d’autres aïeux, hardis navigateurs qui donnèrent le nom des Salas à un îlot du golfe de Penas. Bref, l’hérédité. L’hérédité, semblable à une source profonde, pour expliquer que cet homme soit le seul à peindre la mer comme il la peint. Une sidérante mise au point, une photographie, croirait-on, mais prise du ciel, par-dessus les vagues tourbillonnantes, dressées, enlacées, enragées. Au sens strict, un dessin inimitable, sauf à l’identifier aux célèbres écorchés de Houdon. Car il y a bien cela chez Franco Salas Borquez : une peinture organique, montrant la mer dans sa vérité charnelle, vibrante, laiteuse — ses muscles, son ventre, ses articulations secrètes, ses spasmes, ses sauts, ses huées et le jeu infini de ses nerfs… Faut-il conclure que Franco Salas Borquez, révélé très jeune par des dons manifestes de portraitiste, la regarde comme si elle était femme ? Peut-être… À moins qu’il ne veuille simplement avertir, sur une planète surchauffée, que la matrice formidable, qui a tout prodigué, se rouvrira pour tout engloutir.
Abyssus abyssum invocat. L’abîme appelle l’abîme.
Christophe Penot
Éditeur d’art