Exposition Bestiaires Damien Colcombet et Salvador Dalí
Du 8 juillet au 7 octobre 2023 (prolongation jusqu’au 14 octobre)
Par qui ou par quoi faut-il commencer au moment de présenter « Bestiaires », trente-quatrième rendez-vous organisé par le Centre Cristel Éditeur d’Art de Saint-Malo ? Par Salvador Dalí, génie universel né à Figueras en 1904 ? Ou par Damien Colcombet, sculpteur lyonnais d’ascendance bretonne — il est né à Rennes en 1967 —, que nous exposons en vedette, pour la quatrième fois depuis 2017 ? À moins que l’on ne choisisse d’introduire notre sujet par ce qui réunit les deux créateurs : le bestiaire.
Œuvres de l’exposition Bestiaires
Radiologie du bestiaire
Damien Colcombet et Salvador Dalí
Par qui ou par quoi faut-il commencer au moment de présenter « Bestiaires », trente-quatrième rendez-vous organisé par le Centre Cristel Éditeur d’Art de Saint-Malo ? Par Salvador Dalí, génie universel né à Figueras en 1904 ? Ou par Damien Colcombet, sculpteur lyonnais d’ascendance bretonne — il est né à Rennes en 1967 —, que nous exposons en vedette, pour la quatrième fois depuis 2017 ? À moins que l’on ne choisisse d’introduire notre sujet par ce qui réunit les deux créateurs : le bestiaire. C’est-à-dire, selon la double acception du Dictionnaire Quillet, tantôt l’« homme qui combattait les bêtes féroces dans l’amphithéâtre », tantôt le « traité didactique du haut Moyen Âge décrivant des animaux réels ou imaginaires ». Un spectre large, comme on le voit, résumant parfaitement notre nouvelle exposition. Qu’est-ce que Dalí, en effet ? sinon l’exemple même d’un champion descendu dans l’arène pour éblouir le public — « d’abord éblouir », songeait toujours ce fol égocentrique — puis pulvériser les lignes aussi sûrement qu’un géant réduirait des os en poussière ! De là cette manière qu’il avait d’empoigner son stylet et d’attaquer la plaque de cuivre. Des coups, des charges, des retraits, des voltes, des élans. Rien de moins qu’un Cyrano qui feinte et qui touche, puis nous envoie, extasiés, dans les étoiles…
La preuve ? Les douze pointes sèches de son Bestiaire de La Fontaine dalinisé, éditées en 1974 par Robert Mouret, numérotées puis signées par le maître sous la responsabilité de Marcel Bilger, huissier de Justice à Metz. Lequel attestait que ces douze pointes sèches bientôt mythiques (tout ce qui sortait de la main de Salvador Dalí devenait mythique) ont été tirées sur les presses de l’atelier Rigal, à Fontenay-aux-Roses, sur trois grands papiers différents : 250 épreuves sur Arches, 250 épreuves sur Japon et 244 sur Richard de Bas, dont 62 réservés à l’artiste, soit un total de 744 épreuves. Celles accrochées sur les murs du Centre Cristel Éditeur d’Art sont issues du plus prestigieux de ces tirages : les pointes sèches sur Japon, qui entremêlent les flamboyances du trait et la subtilité
des couleurs aux énergies secrètes d’un papier fabriqué fibre à fibre, manuellement. Flamboyances pouvant se définir d’un mot : surréalistes ! En d’autres termes, un corbeau et un renard, un éléphant et un singe, un cerf et un lion échappant à leur premier laudateur, Jean de La Fontaine, pour s’incarner dans un monde onirique et gigantesque — celui de Dalí !
Qu’en pense Damien Colcombet en égrenant un à un les éléphants, les singes, les renards, les lions, les chevreuils, mais également les girafes, les tigres, les rhinocéros, les autruches, les oryx, les buffles, les manchots, les baleines, les narvals ou les ours peuplant son propre bestiaire ? Oui, qu’en pense-t-il chaque fois qu’il se saisit d’un peu de terre chamotée, puis qu’il fait naître, en authentique démiurge, un vrai morceau de vie d’un petit bout de glaise ? Parce qu’il convient de récrire ici ce que le magazine Chasses internationales avait écrit en septembre 2018 : « sculpteur animalier surdoué, probablement le plus brillant de sa génération dans la veine figurative ». D’où l’admiration que lui a vouée son premier collectionneur, Alain Delon. D’où, aussi, cette certitude habitant ceux qui l’ont vu sculpter les yeux fermés, comme s’il s’agissait pour lui non pas d’inventer, mais de rendre. « Quand je réalise un éléphant, je suis un éléphant. Quand je modèle un tigre, je me transforme en tigre », explique Damien Colcombet de sa voix résolument didactique. Il en ressort des animaux plus vivants que nature, aujourd’hui très recherchés sur le marché de l’art. Au point qu’une fonte épuisée du gorille Platon, achetée 2 000 € en 2007, a été disputée aux enchères, en avril 2023, jusqu’à 7 800 € !
« Aucun désir n’est coupable, il y a faute uniquement dans leur refoulement. » Si c’est Salvador Dalí qui l’affirme…
Christophe Penot
Éditeur d’art