Exposition Antonio Seguí. Le fourmillement du monde
Du 22 juillet au 21 octobre 2017
Représenté dans plus d’une centaine de musées dans le monde, le maître argentin fait escale trois mois durant à Saint-Malo pour l’exposition « Antonio Seguí. Le fourmillement du monde ». Une rétrospective avec une trentaine d’œuvres de différentes époques pour raconter « le fourmillement du monde ».
« Véritable star en Amérique du Sud depuis la fin des années 1950, son travail est révélé en Europe à l’occasion de la IIIe Biennale de Paris, en 1963. S’ensuivent alors des expositions dans les plus grands musées du monde », peut-on lire régulièrement à son sujet. Un résumé qui a toutefois le mérite d’annoncer l’essentiel : l’importance dans la peinture contemporaine d’Antonio Seguí, artiste né en Argentine en 1934, et dont les œuvres sont aujourd’hui conservées dans plus de 100 musées et collections publiques dans le monde.
Et quelles œuvres ! Des dessins, des tableaux, des lithographies, des gravures, des sculptures qui donnent toujours à voir de multiples personnages. Des femmes parfois, plus ou moins fatales. Des hommes surtout, au type sud-américain nettement accentué, semblant courir en permanence vers on ne sait quel but… Car telle est l’histoire que nous propose Antonio Seguí : celle d’un univers coloré mais tendu, souvent jusqu’à l’absurde ! Seul remède contre cette déraison ? La bonne humeur ironique et tendre que l’artiste nous offre de toile en toile… Montrer le genre humain… Puis donner à rire ou sourire, coûte que coûte !
Sur les murs, une trentaine d’œuvres de différentes époques, tantôt des tableaux, tantôt des dessins, des lithographies et des gravures au carborundum, qui témoignent tous de cette indiscutable évidence : l’universel Antonio Seguí est l’un des grands observateurs de notre temps.
Œuvres de l’exposition Antonio Seguí
Antonio Seguí
En tout superbe
C’était à Saint-Malo, au début des années soixante-dix. Pour qui l’aurait croisé à la hâte, il eût donné l’impression, certainement, d’un touriste. Un homme de passage, les pieds campés dans le sable, la mine radieuse, tenant par la main ses enfants… Notable particularisme, peut-être : sous la vague de cheveux drus, un visage naturellement bruni, barré d’une puissante moustache. Et les yeux, d’une mobilité sidérante ! Des yeux capables de balayer la plage entière, sautant d’un groupe à un autre, et soudain s’arrêtant, s’attardant, fouillant, supposant, restituant… Regard de peintre ? Indubitablement. Mais un peintre qui prendrait la foule comme modèle puis la jetterait sur une toile, baigneuses et baigneurs mêlés, chacun s’affairant dans son coin ou cavalant sans but ni répit, suivant le désordre de l’univers étrange imaginé il y a plus d’un demi-siècle par Antonio Seguí.
Parce que l’homme debout, l’homme de passage, c’était évidemment lui, Antonio Seguí, artiste argentin né à Córdoba en 1934, puis exilé volontaire dès 1951 pour découvrir l’Europe. À l’époque, il avait traversé l’Atlantique en bateau, assidûment installé sur le pont, lisant, observant et dessinant beaucoup — de préférence le fourmillement du petit monde embarqué avec lui. « Dix-huit jours de mer », se rappelle-t-il avant d’évoquer son irrépressible passion des atmosphères marines. Elles seules expliquent que, sa vie durant, il soit souvent allé en Bretagne, qu’il ait fait plusieurs fois escale à Saint-Malo et qu’il y revienne aujourd’hui, auréolé de ses souvenirs, de son génie, de sa gloire.
Et quelle gloire ! « En Argentine, Antonio Seguí est un héros national. Les galeries et les musées s’arrachent ses tableaux. Ses sculptures géantes, riantes et colorées, ont conquis les places publiques de Córdoba et de Buenos Aires », écrivait Éric Tariant, en mars 2013. Un résumé, pour le moins, puisque la chronique sait que la plupart des capitales de la terre l’ont accueilli pour d’étourdissantes expositions, toujours très aimées du public. Son secret ? Le dénommé Gustavo, personnage emblématique de son œuvre, une sorte de gaucho moderne empêtré dans la ville. Du matin jusqu’au soir, ce Gustavo métaphorique se démène et se perd sans pouvoir nous dire s’il court après les femmes, après l’argent, après les flashs, après lui-même. Ironique ? Bien sûr ! Ironique, mordant, désabusé, mais en tout superbe, car porté par une maîtrise totale du dessin et un sens aigu des couleurs. Du reste, fixant jadis Antonio Seguí de son œil gigantesque, Malraux ne s’y était pas trompé : « Vous êtes un peintre. »
Il songeait : un grand peintre.
Christophe Penot
Éditeur d’art